Les bas salaires au menu de la conférence sociale
Par Sylvie Aghabachian | Le | Salaires
Élisabeth Borne reçoit cette semaine les organisations syndicales et patronales en amont de la conférence sociale du 16 octobre 2023. La question des bas salaires sera l’une des priorités de la table des négociations.
La question des minima de branche
Pas d’augmentation des minima, pas d’exonérations de cotisations sociales aux entreprises. Cette idée de la CFDT fait son chemin. Le 18 septembre dernier, Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, prévenait les entreprises sur les ondes de Franceinfo : « Si vous ne jouez pas le jeu, vous avez encore des coefficients sous le SMIC, vous ne bénéficiez plus de ces exonérations. C’est quoi la vision du gouvernement lorsqu’il y a des employeurs qui ne jouent pas le jeu et qui laissent des salariés au Smic ? Il y a des personnes qui font toute leur carrière au Smic, c’est inacceptable. C’est un enjeu démocratique ». Pour Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, il faut « conditionner les 200 milliards d’euros d’aides publiques dont bénéficient chaque année les entreprises et indexer les salaires sur les prix » pour que l’ensemble des rémunérations soient tirées vers le haut.
Le 16 octobre, lors de la conférence sociale, Élisabeth Borne, la Première ministre, abordera ce sujet avec les organisations syndicales et patronales. Mais pour son ministre du Travail, Olivier Dussopt, « la suppression des exonérations de cotisations pour les entreprises en non-conformité, demandée par la CFDT, soulève des questions juridiques et techniques. Au niveau du droit, le conseil constitutionnel a établi qu’une entreprise ne peut être sanctionnée en raison des lacunes de sa branche ou de son représentant. Au niveau technique, cela impliquerait d’examiner chaque entreprise individuellement. »
Trois grands thèmes au sommaire de la conférence sociale
Tout au long de cette semaine, en amont de cette conférence sociale, cette menace d’une sanction des employeurs qui conservent des grilles de salaires en dessous du Smic sera abordée dans le cadre de réunions bilatérales. Trois grands thèmes guideront les travaux de la conférence sociale :
- l’évolution des salaires,
- le dialogue social de branche et des classifications,
- l’impact d’outils tels que les exonérations de cotisations, la prime d’activité, le temps partiel subi, et l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
Élisabeth Borne prévoit de transcrire dans le droit français, dès le premier semestre 2024, une directive européenne sur la transparence des salaires. Ce texte prévoit encore plus de transparence et fixe des critères plus forts. Le calendrier n’est pas encore arrêté mais, la date butoir est juin 2026 pour les pays membres de l’union européenne La CFDT et la CGT demandent à avancer la date. Cette directive permet aux salariés et représentants des salariés de demander à voir les feuilles de paie, pour vérifier que des hommes ne sont pas plus payés que des femmes au même niveau de postes et d’ancienneté.
Seules sept ou huit branches n’ont pas encore lancé de négociation.
« Jusqu’en juillet 2022, quand une convention collective avait un niveau de rémunération trop bas, la branche avait 90 jours pour ouvrir la négociation. Nous avons ramené ce délai à 45 jours. Cela explique pourquoi entre le 1er mai dernier et aujourd’hui, nous sommes passés de 145 à 60 branches non-conformes (dont les plus bas niveaux de rémunération sont inférieurs au Smic). Nous regarderons, avec les partenaires sociaux, les points de sortie pour les autres branches », précise Olivier Dussopt.
Sur les 15 à 20 dernières années, en moyenne, 15 à 20 branches avaient un niveau conventionnel inférieur au Smic pendant plus de 18 mois. Actuellement, seules sept ou huit branches n’ont pas encore lancé de négociation. Pour Patrick Martin, le président du Medef, les négociations salariales relèvent des entreprises et des branches, et tout mécanisme d’indexation généralisé serait une grave erreur. La question des trappes à bas salaires, et plus globalement de l’équilibre entre revenus du travail et transferts sociaux, semble en revanche un chantier important à ouvrir, a-t-il précisé dans les colonnes des Echos le 3 octobre dernier.
Le risque de la restructuration imposée pour les branches
Casinos : La 1ère branche à expérimenter le dispositif de restructuration
La loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat du 16 août 2022 prévoit la mise en place d’une restructuration des branches professionnelles disposant de minima conventionnels durablement inférieurs au Smic. Elle vise à donner au ministre du Travail un levier d’action supplémentaire en faveur de l’augmentation des salaires les moins élevés. Il permet, dans un contexte de revalorisations fréquentes du Smic, de contraindre les branches à assurer un rehaussement régulier de leurs minima, à défaut de quoi leur restructuration pourra être envisagée. C’est le cas pour la fédération des Casinos. Le ministère du Travail leur a envoyé un courrier leur notifiant leur très prochaine restructuration. « Nous sommes dans une situation à la fois de durabilité de non-conformité et aussi de blocage du dialogue social , a déclaré Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, lors de son audition par la commission des Affaires sociales du Sénat le 5 octobre dernier. »Ce sera la première branche à expérimenter ce nouveau dispositif qui fait que la restructuration peut être engagée de manière autoritaire et unilatérale du fait qu’il existe une apathie du dialogue social en matière de rémunération."