Formation : La Cour des comptes pointe une croissance non maitrisée des dépenses
Par Fabien Claire | Le | Dispositifs
L’apprentissage est de loin le dispositif le plus coûteux de la politique de l’emploi (hors activité partielle de crise) : le coût annuel moyen par contrat d’apprentissage s’élève à 19 200 € (vs. 12 680 € pour un élève en lycée professionnel). Pour la Cour des comptes, l’essor de l’apprentissage et de la formation s’accompagne d’une croissance non maitrisée des dépenses.
Dans une note publiée le 6 juillet 2023, elle recommande de prioriser les dépenses publiques en faveur des bas niveaux de qualification, de moduler le soutien financier public à l’apprentissage et d’orienter davantage les financements vers les formations CPF à visée qualifiante.
« L’essor très positif de l’apprentissage et de la formation s’accompagne d’une croissance non maitrisée des dépenses », constate le président de la Cour des Comptes Pierre Moscovici, le 06/07/2023. Ce jour-là, la Cour présentait une note thématique sur le thème : « Recentrer le soutien public à la formation professionnelle et à l’apprentissage. »
« En 2022, 16,8 Md€ ont été affectés au financement de l’alternance et 2,5 Md€ au financement des CPF. Se pose aujourd’hui la question du dimensionnement de la pertinence de ce soutien public dans un contexte incontestablement plus favorable à l’emploi puisque le taux de chômage atteint son niveau le plus faible depuis 2008 à 7,2 % », ajoute Pierre Moscovici. Il déplore que ne « soient pas suffisamment pris en compte les besoins des jeunes, des entreprises et des territoires ».
L’apprentissage, le dispositif le plus coûteux
« L’apprentissage est de loin le dispositif le plus coûteux de la politique de l’emploi (hors activité partielle de crise) : le coût annuel moyen par contrat d’apprentissage s’élève à 19 200 € (vs. 12 680 € pour un élève en lycée professionnel et 11 580 € pour un étudiant dans l’enseignement supérieur). »
Leviers d’action
Parmi les leviers d’action identifiés, la Cour recommande de cibler davantage les soutiens financiers publics sur les publics prioritaires :
- Prioriser les dépenses publiques en faveur des bas niveaux de qualification ;
- Moduler le soutien financier public à l’apprentissage (et non le champ des formations ouvertes à l’apprentissage), en particulier les aides à l’embauche, au bénéfice des jeunes qui rencontrent le plus de difficultés pour s’insérer durablement sur le marché du travail ;
- Orienter davantage les financements vers les formations CPF à visée qualifiante. La réorientation des fonds vers des formations plus qualifiantes devrait également bénéficier aux PTP (projets de transition professionnelle).
« Nous avons le sentiment que l’augmentation considérable des crédits - presque une multiplication par trois des contrats d’apprentissage - a parfois bénéficié à des apprentis qui étaient déjà très formés et trop peu à des publics qui auraient dû l’être davantage. »
Renforcer les exigences de qualité
Les sages de la rue Cambon suggèrent aussi de renforcer les exigences en matière de qualité des formations professionnelles et de lutte contre la fraude. Selon eux, « la démarche qualité présente encore des lacunes importantes » : le label Qualiopi atteste de la conformité à un référentiel national qualité portant principalement sur les processus et les moyens mis en oeuvre, mais pas sur la qualité pédagogique des actions de formation. D’autre part, « Qualiopi est mal articulé avec la lutte contre la fraude qui s’est développée notamment avec le CPF ».
Enfin, la Cour estime que « la mise en cohérence des processus de construction des certifications professionnelles et des critères appliqués doit rendre possible à terme l’unification des procédures d’enregistrement ».
Un pilotage stratégique du système
Un « pilotage stratégique » du système de formation professionnelle et d’alternance est également recommandé pour assurer sa soutenabilité financière. Des mesures devraient à la fois jouer sur :
- Les dépenses :
- diminution pérenne de la dotation de France compétences participant au financement de la formation des demandeurs d’emploi,
- recentrage du CPF sur les formations les plus qualifiantes,
- instauration de restes à charge sur certains dispositifs,
- redéfinition des aides à l’embauche en contrat d’apprentissage et en contrat de professionnalisation,
- Les recettes, essentiellement par le biais d’une dotation annuelle pérenne de l’État à France compétences pour contribuer au financement de l’apprentissage.
Un ajustement du niveau de financement des contrats d’apprentissage « à poursuivre »
Le CA de France compétences a d’ailleurs entériné le 10 juillet la 2e baisse des NPEC (Niveaux de prise en charge) des contrats d’apprentissage au 1er septembre 2023. Celle-ci avait été initialement prévue en avril 2023 puis reportée en juillet 2023, puis annoncée pour septembre prochain.
Opposés à ce nouveau coup de rabot sur le coût des formations par l’apprentissage, les partenaires sociaux - représentants des salariés comme des employeurs - contestent cet arbitrage budgétaire. Pour l’U2P, il « remet en cause le rôle des branches professionnelles dans la définition des niveaux de prise en charge. Ce d’autant que cette mesure part d’un objectif de baisse globale de l’enveloppe dédiée par France compétences au financement de l’apprentissage, au lieu d’établir le juste prix applicable à chaque type de formation ».
Pour l’U2P, cette seconde baisse des NPEC va conduire à une baisse de la qualité des formations dispensées et du nombre d’apprentis,« en totale contradiction avec la volonté de l’exécutif d’atteindre un million d’apprentis formés en France ». Elle pourrait aussi casser aussi le mouvement de création d’emploi de ces dernières années, qui repose largement sur le développement de l’apprentissage.