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Vers un big bang des transitions professionnelles ?

Par Valerie Grasset-Morel | Le | Dispositifs

PTP (projet de transition professionnelle), Transitions Collectives, Pro-A, contrat de sécurisation professionnelle, congé de reclassement… Au fil des ans, les dispositifs de transition ou de reconversion professionnelle se sont additionnés jusqu’à devenir peu lisibles. Trop peu d’actifs les mobilisent. La priorité affichée du Gouvernement est d’engager un état des lieux de l’existant avec les partenaires sociaux.

Vers un big bang des transitions professionnelles ?
Vers un big bang des transitions professionnelles ?

Seulement 60 000 parcours par an

« Les dispositifs de transition professionnelle ne concernent que 60 000 parcours engagés par an. C’est trop peu face aux besoins réels exprimés par les actifs quand on sait qu’un actif sur deux exprime son souhait de pouvoir changer d’emploi à plus ou moins long terme, et par rapport à la réalité des transitions professionnelles réalisées dans notre pays », déclarait Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnelle, en ouverture du salon #GénérationsReconvertion qui s’est tenu les 14 et 15 avril 2023 à Paris, à l’initiative de l’association Transitions Pro Ile-de-France.

Selon l’Insee, les actifs qui s’engagent aujourd’hui sur le marché du travail savent qu’ils changeront de poste au moins quatre à cinq fois, voire plus au cours de leur vie professionnelle. Des métiers disparaissent, d’autres se créent sous l’effet des mutations technologiques et environnementales, nécessitant de nouvelles compétences.

Des dispositifs trop nombreux et peu mobilisés

« Les dispositifs de transition professionnelle sont aussi trop nombreux, trop complexes, et trop peu mobilisés », ajoute Carole Grandjean. Parmi ces dispositifs :

  • Le projet de transition professionnel (PTP) adossé au CPF. Il permet à un salarié d’effectuer une formation certifiante pour changer de métier dans le cadre d’un congé spécifique. Ce dispositif remplace le CIF (congé individuel de formation). La construction du PTP peut être accompagnée par un conseiller en évolution professionnelle.

  • Un nouveau PTP s’appuyant sur le C2P (compte professionnel de prévention) a été créé par la LFSS (loi de financement de la Sécurité sociale) 2023. Les décrets d’application ne sont pas parus. Le projet de transition ne concernera dans ce cas que les personnes confrontées à des risques professionnels.

  • Le dispositif Transitions Collectives ou TransCo conçu dans le contexte de la crise Covid a pour objectif de créer un pont entre les entreprises qui décrutent et celles qui recrutent, et de permettre à un salarié de se reconvertir sans passer par la case chômage. Malgré sa simplification en 2022, TransCo n’a pas encore trouvé son public.

  • Quant à la reconversion ou promotion par alternance (Pro-A), elle ne peut être mise en œuvre dans les entreprises que si l’accord de branche la créant a été étendu par le ministère du Travail.

Un chantier à ouvrir « avec les partenaires sociaux »

L’intention de la ministre est de « simplifier » ces dispositifs et de « les clarifier afin de les ouvrir au plus grand nombre tout en conservant une logique de sécurisation des parcours ». Ce chantier, elle souhaite l’ouvrir avec les partenaires sociaux, sur la base de la contribution paritaire qu’ils lui ont remise en décembre 2022 : « Des discussions seront engagées dans les prochaines semaines avec les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel sur la base d’une volonté de faire une revue de l’existant, d’évaluer les dispositifs actuels sans tabou ni concession. » Les semaines s’allongent avec la réforme des retraites qui est toujours au cœur de l’actualité sociale et les concertations n’ont toujours pas commencé.

Aménager certains dispositifs existants

Pour Carole Grandjean, la solution n’est « pas nécessairement de créer de nouveaux dispositifs » mais d’en aménager certains. Les pistes du ministère du Travail portent d’ailleurs sur l’ouverture du contrat de professionnalisation aux salariés en poste, pour une mobilité interne ou une mobilité externe avec l’accompagnement des Opco. « La ministre souhaite positionner le contrat de professionnalisation en tant qu’outil d’accompagnement des transitions professionnelles alors qu’à la base, il s’agit d’un outil d’insertion des jeunes et des demandeurs d’emploi », selon Centre Inffo qui organisait un webinaire sur le thème : « Cinq ans après : quelle réforme pour la formation professionnelle », le 18 avril dernier.

La piste du contrat de professionnalisation

Depuis 2013, il est possible pour un salarié en CDI de suspendre son contrat pour conclure un contrat d’apprentissage. L’idée à l’étude serait de « permettre la même utilisation du contrat de professionnalisation que celle du contrat d’apprentissage : suspendre l’exécution du CDI pour conclure un contrat de professionnalisation en CDD de manière à accéder à une certification plus rapidement que par l’apprentissage, car celles qui sont éligibles en contrat de professionnalisation sont plus courtes (les CQP/certificats de qualification professionnelle, par exemple) », indique Valérie Michelet, juriste senior de Centre Inffo.

Le contrat de professionnalisation qui comporte moins d’heures de formation que le contrat d’apprentissage (15 % de la durée totale du contrat avec un plancher de 150 heures) présente plus de souplesse. « L’utiliser comme un socle pour organiser des mobilités tant internes qu’externes semble tout à fait réalisable. En l’état, il présente de clairs atouts pour devenir un dispositif de transition professionnelle », selon la juriste. Pour que cela devienne effectif, il suffirait d’élargir le public éligible en disant que le contrat de professionnalisation peut être signé par un salarié avec :

  • Soit une entreprise A (suspension du CDI dans le cadre d’une mobilité interne),
  • Soit avec une entreprise B dans le cadre d’une mobilité externe, celle-ci s’engageant, dans le cadre d’un contrat de travail, à former l’ancien salarié de l’entreprise.

Pour Fouzi Fethi, responsable du pôle droit et politique de formation de Centre Inffo, « cela permettrait de créer le fameux pont recherché dans le cadre de TransCo entre l’entreprise A et l’entreprise B pour ne pas passer par le chômage ». Cette piste n’est pas stabilisée et sera soumise à la concertation avec les partenaires sociaux, « mais d’ores et déjà, le Gouvernement regarde le contrat de professionnalisation différemment ».