Stratégie

UE : la législation sur les droits des travailleurs des plateformes rejetée

Par Agnès Redon | Le | International

Le 13 décembre 2023, le Parlement européen et les États membres de l’Union européenne (UE) s’étaient accordés sur une législation pour renforcer les droits des travailleurs des plateformes, notamment leur protection sociale. Mais le 22 décembre 2023, plusieurs pays membres, dont la France, ont rejeté cette directive.

UE : rejet de la législation sur les droits des travailleurs des plateformes  - © D.R.
UE : rejet de la législation sur les droits des travailleurs des plateformes - © D.R.

A l’issue d’une réunion des ambassadeurs des Etats membres à Bruxelles, la présidence espagnole du Conseil de l’UE, qui coordonnait les débats a annoncé le 22 décembre 2023 que la majorité nécessaire n’était pas atteignable pour conclure l’accord du 13 décembre 2023 sur le renforcement des droits des travailleurs de plateformes.

En effet, le soutien de 15 Etats membres sur 27 était nécessaire. D’après l’AFP, la France, l’Italie, la Finlande, la Grèce, la Hongrie et la Suède se sont opposées à cet accord.

Le texte devra désormais être renégocié et il revient à la présidence belge de trouver un nouveau compromis avec les eurodéputés.

Les négociations doivent être conclues en février 2024 en raison des prochaines élections européennes, prévues au début du mois de juin 2024.

Certains députés ont vivement réagi au rejet de la directive et ont dénoncé le lobbying des plateformes. « Ce gouvernement préfère Uber aux droits des travailleurs et à l’Europe », a ainsi déclaré la députée européenne Aurore Lalucq du groupe Socialiste et démocrate.

Cinq critères de requalification

La directive prévoyait de requalifier comme salariés les personnes travaillant pour des applications comme Uber ou Deliveroo, qui possèdent aujourd’hui le statut d’indépendants. Alors que les réglementations sur les plateformes sont aujourd’hui très disparates parmi les pays de l’Union Européenne, la nouvelle législation entendait fixer des règles identiques à l’échelle de l’UE pour déterminer si les travailleurs des plateformes numériques doivent être considérés comme des salariés.

Selon les estimations de l’Union Européenne, 5.5 millions travailleurs des plateformes sont aujourd’hui considérés à tort comme indépendants sur un total de près de 30 millions.

Afin d’harmoniser le statut des travailleurs des plateformes, la nouvelle directive établissait cinq critères suivants :

  • Le fait qu’une plateforme fixe les niveaux de rémunération ;
  • Supervise à distance les prestations ;
  • Ne permet pas à ses employés de choisir leurs horaires ou de refuser des missions ;
  • Impose le port d’uniforme ;
  • Interdit de travailler pour d’autres entreprises.

Avec au moins deux critères remplis, la plateforme aurait été présumée employeur, et aurait dû se soumettre aux obligations du droit du travail imposées par la législation du pays concerné.

Ludovic Voet, Secrétaire confédéral de la Confédération européenne des syndicats CES, avait ainsi salué l’accord conclu le 13 décembre 2023 :

« Cet accord devrait marquer le début de la fin du Far West en matière de droits des travailleurs. Il relève dorénavant de la responsabilité des États membres de veiller à correctement mettre en œuvre les mesures adoptées aujourd’hui s’ils veulent faire une différence dans la vie des 5,5 millions de travailleurs des plateformes. L’inversion de la charge de la preuve à propos de ce qui constitue une relation d’emploi est un important pas en avant. On ne doit pas attendre des travailleurs qu’ils continuent à affronter une armée d’avocats d’entreprise dans le seul but de bénéficier d’un droit fondamental tel que le congé maladie. La transparence sur la gestion par algorithmes contribuera également à empêcher les plateformes de recourir à de honteuses tactiques antisyndicales telles que punir des personnes qui adhèrent à un syndicat en les privant de travail. »