Stratégie

Discriminations au travail : bientôt des tests individuels et statistiques ainsi que des sanctions

Par Sylvie Aghabachian | Le | Management

Une proposition de loi de députés Renaissance visant à renforcer la lutte contre les discriminations au travail est examinée cette semaine à l’Assemblée nationale. Le texte prévoit de systématiser la pratique de tests servant à prouver que des entreprises ou des employeurs publics ont des pratiques discriminatoires avec à la clef de possibles sanctions financières.

Discriminations au travail : bientôt des tests individuels et statistiques ainsi que des sanctions
Discriminations au travail : bientôt des tests individuels et statistiques ainsi que des sanctions

« Je vais vous parler de mon beau-père. Il s’appelle Jean. Il a obtenu, il y a des années de cela, une thèse de doctorat en physique option mécanique des fluides. Il a, par la suite, publié de nombreux articles dans des revues scientifiques de niveau international. Il intervient aujourd’hui comme expert pour auditer l’efficacité des circuits de refroidissement de nos centrales nucléaires. Pour le dire simplement Jean a très bien réussi sa vie professionnelle ». C’est ainsi que Marc Ferracci, député Renaissance des Français de l’étranger, a commencé son discours lors de l’examen de la proposition de loi visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques, à la commission des lois, le 21 novembre 2023. Le texte a été complété par des amendements qui précisent la procédure et les conséquences pour les entreprises comme le relèvement du plafond de la sanction financière de 0,5 % à 1 % de la masse salariale.

« Le problème c’est que Jean ne s’est pas toujours appelé Jean. Son prénom de naissance est Saïd. Après l’obtention de sa thèse, Saïd a pendant plusieurs années cherché un poste d’ingénieur en lien avec ses compétences. Mais, pour pouvoir vivre, il a été serveur, travaillé sur des chantiers et en désespoir de cause Saïd a décidé de demander à modifier son état civil pour devenir Jean. Il a au passage supprimé devant son nom de famille le préfixe “Ben” qui signifie “fils de” en arabe. Il a obtenu en moins de quinze jours un entretien d’embauche et cet entretien a débouché sur un recrutement. Ce n’est qu’après de longues années de vie professionnelle qu’il a repris son nom de naissance. »

Cette proposition de loi portée par des députés Renaissance vise à lutter contre les discriminations au travail par la pratique de deux types de tests (individuels et statistiques) ainsi que sécuriser juridiquement le principe du “Name and Shame”. Pour Marc Ferracci, son rapporteur, « nombreux sont les Français qui à force de se voir refuser l’accès à un emploi, à un logement, décident de changer de nom, de mentir sur leur âge ou sur leur adresse. Nombreux sont celles et ceux qui sont contraints de se dépouiller d’une partie de leur identité pour pouvoir vivre dignement car ils subissent des discriminations ». Le gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte le 16 novembre dernier. Il est en discussion à l’Assemblée nationale cette semaine du 4 décembre.

Création d’un « service, public anti-discriminations »

Un véritable service public de lutte contre toutes les formes de discrimination prévues par le code pénal sera créé. Ce nouveau service sera placé sous l’autorité de la Première ministre, chargée d’œuvrer à la connaissance, à la prévention et à la correction des situations de discrimination. Et la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) réalisera des testings. Les demandes de tests individuels seront filtrées selon des conditions qu’un décret fixera. l’objectif est d’aider les personnes victimes de discrimination à construire des preuves, à accompagner celles dont le test individuel aura mis en évidence une situation de discrimination. « Les tests doivent s’insérer dans une stratégie globale qui inclut notamment des actions de sensibilisation, de formation mais aussi de sanctions », indique Marc Ferracci.

La proposition de loi crée un « comité des parties prenantes », composé de représentants des organismes susceptibles d’être testés et de leurs salariés, de membres d’organisations syndicales et patronales représentatives au niveau national, d’un représentant du Défenseur des droits, de parlementaires, d’associations et de chercheurs. Le nombre des partenaires sociaux, des personnalités qualifiées indépendantes et des personnes morales publiques et privées susceptibles d’être testées sera précisé par décret. Le comité sera chargé de participer à l’élaboration de la méthodologie des campagnes massives de testing, de proposer la publication de tout ou partie des résultats obtenus et de formuler des recommandations à destination des entreprises et employeurs publics ciblés.

Le “name and shame” peut conduire à changer les comportements des acteurs

 « Le “name and shamepeut conduire à changer les comportements des acteurs », déclare Marc Ferracci. La proposition de loi prévoit la publication des noms des entreprises ou des organismes publics ayant des pratiques discriminatoires sauf s’ils définissent, par le dialogue social ou de manière unilatérale, un plan de lutte contre les discriminations ou bien s’ils mettent en place un accord sur le sujet, ils pourront échapper à la menace d’une publication de leur nom.

Un amendement prévoit, avant toute publicité, une procédure contradictoire avec l’entreprise ou l’administration mise en cause par un test et qui n’aurait pas fait ensuite d’accord ou de plan d’action de lutte contre les discriminations. C’est aux services de la Première ministre d’informer l’entreprise ou l’employeur public ciblé et de lui transmettre les résultats du test ainsi que les recommandations formulées par le comité des parties prenantes. Ces informations seront aussi envoyées à la DREETS (Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) dont dépend l’employeur visé, cette dernière étant chargée ensuite de vérifier que l’organisme a bien respecté son obligation de négocier un accord ou de mettre en place un plan d’actions visant à renforcer la lutte contre les discriminations. L’employeur concerné aura six mois pour se conformer à cette obligation. Si cette dernière n’est pas respectée, l’entreprise ou l’organisme public s’exposerait, en plus de la menace de « name and shame », à une amende administrative correspondant à 1 % de sa masse salariale.