Stratégie

« Nous nous lançons dans une démarche d’entreprise à mission » (Rémi Boyer, DRH de Korian)

Par Fabien Claire | Le | Management

Passée la crise du Covid et dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, alors que le sujet de la prise en charge des personnes âgées devient un sujet de société, le Groupe Korian s’est lancé dans une démarche d’entreprise à mission et a décidé d’inscrire une nouvelle raison d’être dans ses statuts : « Prendre soin de l’humanité de chacun dans les moments de fragilité ».

Rémi Boyer, DRH du groupe Korian, revient sur l’origine de la démarche et les consultations préalables menées en interne, avant de lancer ce chantier.

Rémi Boyer, DRH du groupe Korian - © DR.
Rémi Boyer, DRH du groupe Korian - © DR.

Korian finalise sa transformation en entreprise à mission et soumettra au vote de la l’Assemblée générale des actionnaires du 15/06 différentes résolutions pour acter cette transformation. Pourquoi un tel changement de statut ?

Nous avons mené un vrai travail de fond sur les missions qui sont les nôtres, dans le prolongement du projet de transformation “Soin à cœur”.

La crise du Covid-19, la pénurie de main-d’œuvre et l’émergence du sujet de la prise en charge des aînés ont totalement changé le contexte de notre activité, et nous ont incités à nous lancer dans une démarche d’Entreprise à Mission en démarrant par une mise au point sur nos missions et notre impact sur notre environnement. Nous avons ainsi lancé une vaste consultation en février 2022, à laquelle ont participé l’ensemble des collaborateurs via notre enquête de satisfaction annuelle, ainsi que plus de 1 500 patients, résidents et proches aidants, associations, responsables publics, collectivités locales et investisseurs dans les sept pays d’implantation de Korian.

À l’issue de cette consultation, le groupe propose d’inscrire dans ses statuts une nouvelle raison d’être, commune à toutes ses activités : « Prendre soin de l’humanité de chacun dans les moments de fragilité ». Cette raison d’être s’accompagne de cinq engagements vis-à-vis des patients et proches aidants, des collaborateurs et des communautés locales qui abordent les thématiques suivantes : considération, équité, innovation, proximité et durabilité.

La consultation a été menée avec le temps qu’il fallait. Nous avons mené un vrai travail de fond sur les missions qui sont les nôtres, dans le prolongement du projet de transformation « Soin à cœur » lancé en 2020. Pour marquer l’adoption de ces différents engagements, il sera également proposé à l’Assemblée générale des actionnaires, le 15/06 prochain, de doter la société européenne, structure de tête du Groupe, d’un nom distinct, sous l’appellation de Clariane.

Quelles premières actions mènerez-vous dans le cadre de ce nouveau statut d’entreprise à mission ?

Le Groupe lancera progressivement à partir du 01/07/2023 prochain dix premières initiatives concrètes sur la base de cette nouvelle mission, parmi lesquelles :

  • Le déploiement d’un « score de considération » tel qu’apprécié par les patients, résidents et leurs proches aidants lors de chaque séjour ou acte de soins ;
  • La création d’une université d’entreprise permettant chaque année à au moins 6 000 salariés de s’engager dans une formation diplômante ou certifiante à l’échelle du Groupe ;
  • La mise en place de fonds de solidarité dans les principaux pays du groupe pour venir en aide aux collaborateurs confrontés à des difficultés personnelles ;
  • L’engagement de baisser, par rapport à 2021, de 30 % les consommations énergétiques totales d’ici à 2026. De plus, le Groupe s’engage à rejoindre l’initiative SBT d’ici à juillet prochain et à soumettre ses objectifs de trajectoire bas-carbone d’ici à décembre prochain. 

L’adoption du statut d’Entreprise à Mission par l’Assemblée Générale sera concomitante à la création d’un comité de mission européen de 12 personnes. Ce comité sera présidé par le Docteur Françoise Weber, composé à parts égales de représentants de patients et résidents, de salariés et de personnalités qualifiées, et aura pour mission de suivre la mise en œuvre des initiatives, avec l’appui d’un organisme tiers indépendant, et permettra de faire entendre dans la durée la voix des parties prenantes dans la gouvernance. Ce comité présentera chaque année à l’Assemblée générale un rapport qui sera rendu public.

Comment souhaitez-vous faire évoluer la formation de vos collaborateurs ?

Nous ferons évoluer l’offre de formation pour permettre à encore plus de salariés d’entrer dans un parcours qualifiant. L’objectif du projet « soin à cœur » était d’atteindre les 10 % des salariés inscrits dans un parcours qualifiant et certifiant. Nous étions fin 2022 à 12 %, ce qui constitue un record !

Nous misons particulièrement sur l’académie des managers »

Nous prenons l’engagement d’inscrire dans le temps cet engagement de formation en offrant chaque année au minimum à 6 000 collaborateurs l’opportunité de suivre une formation diplômante dans ses principales filières professionnelles (de niveau IV à I) dispensée par l’université d’entreprise ou les institutions partenaires. La Korian Academy, jusqu’ici l’école de formation interne du groupe sera renommé Université Clariane et sera par ailleurs scindée en trois académies : 

  • Une académie du soin,
  • Une académie du service,
  • Une académie des managers.

Nous misons particulièrement sur l’académie des managers, qui proposera des parcours certifiants pour nos actuels et futurs directeurs d’établissement. Notre objectif est de développer et multiplier les parcours et modules de formation qualifiante afin d’améliorer l’employabilité et la promotion des salariés, tant en internes qu’en externe. J’ajoute que nous souhaitons associer plus largement les partenaires sociaux aux réflexions sur les axes stratégiques de notre politique de formation. 

Quelle est votre stratégie face aux pénuries d’infirmières et d’aides-soignantes ?

Notre stratégie est d’internaliser au maximum la formation sur ces métiers, via l’apprentissage notamment. Nous avons ainsi accueilli 700 personnes en apprentissage sur le seul métier d’aide-soignant en 2022 et notre objectif est d’en accueillir 900 en 2023, soit 25 fois plus qu’il y a 6 ans. Nous investissons également auprès de nos équipes via le dispositif de VAE ce qui a permis d’accompagner près de 1000 personnes en 2022. Nous regrettons à ce sujet que le dispositif de VAE ne soit pas encore ouvert au diplôme d’infirmier(ère). Les choses bougent et vont dans le bon sens côté Gouvernement, mais il faut acter concrètement cette possibilité.

Nous employons aujourd’hui 1 300 apprentis en France et 1 800 en Allemagne »

Les taux de réussite sur nos parcours d’apprentissage avoisinent les 90 %. 60 % de nos apprentis sont embauchés chez Korian en CDD ou CDI. 20 % poursuivent leurs études et les 20 % restants cherchent un premier emploi dans une autre entreprise : cela aussi fait partie de nos engagements de mission ! Nous employons aujourd’hui 1 300 apprentis en France et 1 800 en Allemagne.

Notre objectif est de couvrir 60 % de nos besoins de recrutement d’aides-soignantes et d’infirmières via ces processus internalisés, qui sont des canaux sécurisés nous permettant de moins nous exposer à la volatilité du marché et de continuer à offrir de véritables parcours professionnels ascendants pour nos équipes

Votre objectif est de porter à 6 % la part de l’actionnariat salarié dans le groupe (près de 3 % aujourd’hui). Comment comptez-vous y parvenir ?

Nous lancerons très probablement une nouvelle opération d’actionnariat salarié en 2024, après l’opération « KORUS 2022 » qui a permis à plus de 5 600 collaborateurs de devenir actionnaires de Korian. Le groupe a réalisé la livraison et le transfert de 2 798 231 actions aux bénéficiaires de l’offre, 2,65 % du capital social et des droits de vote de Korian. Nous souhaitons pérenniser ce genre de campagnes, afin que nos salariés soient plus représentés dans le capital à due concurrence d’autres actionnaires institutionnels. Nos équipes doivent avoir leur mot à dire dans la stratégie développée par l’entreprise. 

Quid des augmentations salariales dans le contexte d’inflation ?

Nos NAO 2023 ont débuté, en France, le 30/05/2023 et se dérouleront jusqu’à début juillet. Nous étions parvenus en 2022 à un accord prévoyant une augmentation générale comprise entre 2 et 3 % selon la rémunération de nos équipes. Nous avons également versé 700 euros de participation en moyenne par salarié en 2022.

Nous avons par ailleurs participé à la négociation sur les classifications et rémunérations menée au niveau de la branche (FHP/Synerpa) permettant d’améliorer l’attractivité des métiers. Cet accord s’appliquera l’année prochaine sous réserve de financement et de signature d’un accord de transposition.

La gestion des salariés seniors devient un sujet RH majeur dans un contexte de vieillissement de la population et d’allongement des carrières. Quelle est votre politique en la matière ?

C’est un sujet important sur lequel nous avons pris plusieurs mesures :

  • La signature en 2021 d’un accord santé et sécurité au travail qui prévoit un volet sur la prise en compte de la pénibilité et de l’employabilité des seniors ;
  • Le lancement de négociations sur le renouvellement de notre accord GEPP (gestion des emplois et des parcours professionnels) en fin d’année 2023. Cet accord devra comprendre un volet seniors qui traitera des inaptitudes de fin de carrière de nos soignants ;
  • Le lancement d’un diagnostic sur les RPS dans nos métiers.

La moyenne d’âge de nos salariés est de 44 ans.