Stratégie

Rapport des Français au travail : l’étude de l’institut Montaigne qui déconstruit les idées reçues

Par Fabien Claire | Le | Management

Plus des trois-quarts (77 %) des salariés sont satisfaits de la durée de leur travail révèle l’étude intitulée « Les Français au travail : dépasser les idées reçues », menée par l’Institut Montaigne auprès de 5 001 actifs français.

Autre enseignement de cette étude : les trois principaux facteurs d’insatisfaction sont :
- la rémunération,
- l’absence de perspectives de carrière
- le manque de reconnaissance.

« À rebours de certaines appréciations collectives, notre étude met en avant que les prises de position individuelles ne sont pas fondamentalement différentes de celles d’avant la crise », déclare Bertrand Martinot, économiste, auteur de l’étude intitulée.

« Les Français considèrent majoritairement que leur travail a du sens, et que le sens du travail est avant tout le lien social, gagner de l’argent et réaliser un travail de qualité. La quête de sens plus nouvelle à travers l’engagement dans des causes écologiques, ou sociétales reste minoritaire. »

Rapport des Français au travail : l’étude de l’institut Montaigne qui déconstruit les idées reçues
Rapport des Français au travail : l’étude de l’institut Montaigne qui déconstruit les idées reçues

77 % des actifs sont satisfaits de leur durée de travail ; parmi eux, les salariés apparaissent moins satisfaits que les indépendants »

  • Une majorité de travailleurs se déclarent satisfaits de leur durée de travail actuelle :
    • 77 % des actifs attribuent une note supérieure ou égale à 6/10 à la question « à quel niveau évaluez-vous votre satisfaction lorsque vous pensez à votre travail aujourd’hui ? »

À noter que les salariés sont moins satisfaits que les indépendants (avec une moyenne de 6,7/10 contre 7,6/10 pour ces derniers).

  • Dans le même temps, 60 % d’entre eux considèrent que leur charge de travail a augmenté au cours des cinq dernières années.
    • Parmi ces travailleurs, 25 % ressentent leur charge de travail comme excessive, contre seulement 18 % pour les indépendants (qui travaillent en moyenne 40,8 heures).
  • Le ressenti de cette surcharge de travail ne s’explique pas par la durée de travail (37 heures par semaine qui correspond à peu près à la durée du travail effective) mais plutôt par les conditions de travail, et particulièrement à une intensification du travail ou aux nouvelles formes d’organisation.
  • Les conditions de travail actuelles pèsent bien plus sur le bien-être psychique que le bien-être physique. Toutefois, la pénibilité reste très marquée dans certains secteurs d’activité et certains métiers.

Satisfaction des actifs au travail - © Institut Montaigne.
Satisfaction des actifs au travail - © Institut Montaigne.

Rémunération, absence de perspective de carrière, et manque de reconnaissance : les principaux motifs d’insatisfaction

  • Les trois principaux facteurs d’insatisfaction sont :
    • Le niveau de rémunération (46 %) : « Les salariés globalement insatisfaits sont ceux qui s’estiment insuffisamment rémunérés et semblent “subir” les modalités d’exécution de leur activité » ;
    • L’absence de perspectives de carrières (41 %) ;
    • Le manque de reconnaissance (38 %) ;
  • Une nouvelle source d’insatisfaction, potentiellement clivante entre les différentes catégories de travailleurs, a fait son apparition : l’impossibilité de pratiquer le télétravail.  

« Le nombre moyen de jours télétravaillés pour les télétravailleurs réguliers est passé de 2,2 à 2,7 jours par semaine »

  • « L’essor du télétravail est la seule véritable rupture par rapport à l’avant-Covid », indique l’étude. En effet, 40 % des travailleurs pratiquent le télétravail au moins occasionnellement et 33 % régulièrement (au moins un jour par semaine) contre seulement 7,3 % en 2017.

Le nombre de télétravailleurs a été multiplié par 10.

  • Le nombre moyen de jours télétravaillés pour les télétravailleurs réguliers serait passé de 2,2 à 2,7 jours par semaine environ.
  • Le score de satisfaction se situe à 2,5 jours de télétravail, ce qui correspond à l’intensité moyenne du télétravail régulier observé en 2022 (2,7 jours par semaine).
  • Mais tous les actifs ne sont pas égaux devant la possibilité de télétravailler. Ainsi, si 48 % des emplois sont dits télétravaillaibles selon les actifs sondés, les disparités entre métiers et secteurs économiques sont considérables :
    • Cette situation est source d’insatisfaction et de frustration puisque la proportion forte des salariés (32 %) qui s’estiment très insatisfaits de ne pouvoir télétravailler, et « sans doute génératrice d’un nouveau clivage entre salariés ».

Absence de corrélation entre le ressenti d’une charge excessive de travail liée au télétravail et la durée effective du travail constatée

Intensité du télétravail par rapport au temps de travail en télétravail - © Institut Montaigne
Intensité du télétravail par rapport au temps de travail en télétravail - © Institut Montaigne

  • La proportion des télétravailleurs qui déclarent ressentir un impact à la hausse du télétravail sur leur durée du travail est plus forte (pour les 44 % d’actifs sondés qui télétravaillent 2j./sem.) que celle des télétravailleurs qui ressentent un impact à la baisse (37 % pour ceux qui télétravaillent 1j./sem.).
  • Pour autant, l’étude met en avant le fait que « cet impact ressenti ne se retrouve pas sur la durée temps de travail effectif, au terme d’une analyse des données, et ceci quelle que soit la catégorie socio-professionnelle. »
  • Par ailleurs, aucune corrélation n’apparaît entre le temps de travail effectif et le temps de trajet domicile - travail économisé par le recours au télétravail.

Les actifs et leurs perspectives d’évolution professionnelle

Le rapport des actifs à leur évolution professionnelle - © Institut Montaigne
Le rapport des actifs à leur évolution professionnelle - © Institut Montaigne

Plus d’un tiers des actifs interrogés (37 %), souhaitent quitter leur entreprise dans les deux ans. Mais les auteurs de l’étude constatent un décalage considérable entre les souhaits exprimés d’évolution professionnelle, quelles que soient ses formes, et la réalité des chiffres.

  • D’une part, une grande majorité de projets ne se concrétisent pas (par exemple, 22 % des salariés déclarent avoir déjà envisagé une reconversion professionnelle sans l’avoir réalisée).
  • D’autre part, on ne constate pas de diminution de l’ancienneté moyenne dans l’emploi occupé au cours des années récentes, ce qui signifie que la mobilité professionnelle ne s’accroît pas en France.

La grande démission est un mythe

Pour les auteurs, la « grande démission » qui devrait résulter de ces souhaits d’évolution est un mythe : les évolutions législatives, dont la rupture conventionnelle créée en 2008 et le marché du travail particulièrement favorable au salarié suffisent à expliquer ce phénomène, « qui n’en n’est pas un ».

Les obstacles ressentis à la mobilité restent nombreux, notamment pour les moins qualifiés qui sont en même temps les plus demandeurs et qui doivent plus souvent que les autres effectuer ce type de parcours à l’extérieur de leur entreprise.

En cas de chômage, les salariés comptent beaucoup plus sur eux-mêmes et sur leur capital social pour retrouver un emploi que sur les institutions, et ce quelle que soit leur catégorie socio-professionnelle.

L’apport de l’étude pour les DRH

• Les DRH peuvent trouver dans cette étude des données et des analyses très intéressantes qui pourront alimenter leur réflexion en matière d’organisation du travail, aménagement de fin de carrière, management.

• En matière d’organisation du travail, l’étude montre que l’aspiration des salariés au télétravail est très forte. Et pour les personnes qui peuvent télétravailler, l’optimum d’intensité du télétravail est compris entre 2 et 3 jours, ce qui correspond à l’intensité moyenne du télétravail régulier observé, c’est-à-dire 2,7 jours par semaine.

• Dans leur immense majorité, les salariés sont opposés au report de l’âge légal de départ à la retraite. Pour autant, ils ont conscience qu’ils devront travailler plus longtemps. La proportion des salariés qui se disent prêts en fin de carrière à un aménagement des conditions de travail s’élève à 41 %. Concrètement, ils peuvent accepter une modification de leur poste de travail ou un renforcement du télétravail pour limiter les trajets domicile-travail, etc.

• 14 % accepteraient même une baisse de leur rémunération, soit pour passer à temps partiel sur le même poste, soit en changeant d’emploi au sein de l’entreprise, et 9 % seraient favorables à un cumul emploi-retraite.

• Il y a donc de toutes évidences du « grain à moudre » pour le dialogue social au niveau des branches professionnelles et dans entreprises sur la question de l’aménagement des fins de carrière. Des arrangements conditions de travail / temps de travail / rémunération sont sans doute envisageables pour de nombreux seniors.

• L’autre sujet central dont peuvent s’emparer les DRH est celui du management, dont l’étude rappelle à quel point il peut être source de souffrance au travail. Ainsi, une bonne partie de la charge psychique peut s’expliquer par un mauvais rapport au management (et non pas par une durée du travail excessive), de même que la volonté de quitter l’entreprise.

Télécharger l’étude complète