« Le management de transition est devenu un vrai métier » (Benoit Durand-Tisnès, Wayden)
Par Valerie Grasset-Morel | Le | Métier rh
Il est fini le temps où le manager de transition était vu comme la ressource extérieure appelée par la direction pour fermer une usine. En quelque 30 ans de développement en France, cette fonction a acquis ses lettres de noblesse. « Le management de transition est devenu un vrai métier », déclare ainsi Benoit Durand-Tisnès, président de Wayden, un cabinet de management de transition, et président de la fédération France Transition, lui-même ancien manager de transition.
L’interview de Benoit Durand-Tisnès, président de Wayden
Pour quelle raison une entreprise a-t-elle recours au management de transition ?
Le management de transition est déclenché dans deux cas : l’un offensif, l’autre défensif. Dans la première situation, l’entreprise doit faire face à un besoin urgent, comme la mise en œuvre d’un projet stratégique lié à la croissance de son activité (transformation digitale, conduite du changement…).
Un contexte offensif ou défensif
Elle peut également faire appel à un manager de transition dans un contexte défensif, comme la gestion d’une crise, une restructuration (financière, commerciale, réorganisation interne, délocalisation…), la fermeture d’un site ou d’une filiale, une fusion-acquisition, ou encore pour remplacer un dirigeant ou un manager ayant quitté ses fonctions, le temps de recruter un remplaçant.
Soit l’entreprise n’a pas les compétences en interne pour gérer ces différentes situations, soit les personnes compétentes ne sont pas disponibles pour assumer de nouvelles responsabilités.
Qu’est-ce qui distingue le management de transition de l’intérim et du conseil ?
Management de transition se traduit en anglais par « Interim executive management ». Le management de transition est arrivé en France dans les années 1990. Le terme « intérim » avait chez nous une connotation un peu péjorative, à la différence des Pays-Bas, de l’Allemagne et du Royaume-Uni, où l’Interim executive management était déjà très développé.
Le manager de transition est appelé dans l’entreprise à un moment bien précis pour faire avancer un projet ou pour répondre à une situation de crise. Il est là pour exécuter une mission opérationnelle et managériale, à la différence d’une mission de conseil.
Le marché du management de transition devrait atteindre le milliard d’euros d’ici 2025
Initialement centré sur le redressement des entreprises, le temps des réticences à l’égard du management de transition en France est derrière nous car le recours à ce service est devenu un vrai outil de transformation pour les entreprises.
Après une croissance exceptionnelle de 39 % en 2022, ce marché reste en hausse de 13 % en 2023. Il a plus que doublé depuis 2020, et devrait atteindre le milliard d’euros d’ici 2025. Pour atteindre leurs objectifs stratégiques, les entreprises sont de plus en plus intéressées par cette formule flexible adaptée à leur environnement en constante évolution.
Du côté des professionnels attirés par le management de transition, on voit de plus en plus de dirigeants seniors qui ne trouvent pas de poste en entreprise et qui cherchent une seconde partie de carrière leur permettant de transmettre leurs compétences et savoir-faire, et de contribuer à de nouvelles aventures entrepreneuriales.
Quelle est la durée moyenne d’une mission ?
Une mission confiée à un manager de transition dure en moyenne entre six et neuf mois. Dans tout juste 10 à 15 % des cas, à l’issue de la mission, un contrat de travail est proposé, mais ce n’est ni la posture ni l’état d’esprit de ces professionnels épris de liberté. Certaines personnes font cependant le choix du management de transition entre deux postes fixes de cadre dirigeant.
Quelles sont les qualités requises pour être un bon manager de transition ?
Un âge moyen de 40-45 ans
Il faut être un professionnel doté d’une solide formation et d’un parcours diversifié, à la fois sur le plan professionnel et géographique. Ce n’est donc pas un hasard si l’âge moyen des managers et dirigeants de transition est de 40-45 ans. C’est aussi une personne qui met les mains dans le cambouis, qui est passée d’une logique de statut à une logique de contribution.
Cette fonction requiert des qualités particulières d’écoute, d’observation, de disponibilité, d’adaptabilité, et de réactivité car, en moins de 15 jours, il faut avoir compris le sociogramme de l’entreprise.
Le management de transition est devenu un vrai métier et il n’est plus associé comme autrefois à un homme que l’on fait venir pour fermer une usine. Le manager de transition est un expert de la transformation des entreprises et des organisations.
Quelle est la place des femmes ?
Elles sont encore sous-représentées dans cette fonction, mais cela commence à évoluer. Elles ne représentaient que 17 % des effectifs dans les années 2000 ; elles sont 29 % aujourd’hui. Cela s’explique par le fait que dans les conseils d’administration des entreprises de plus de 100 M€ (celles qui ont le plus recours au management de transition), il y a plus d’hommes que de femmes, et que plus de la moitié des missions sont réalisées dans l’industrie, un secteur encore très masculin.
Quels secteurs font le plus appel à des managers et dirigeants de transition ?
L’industrie au sens large attire plus de la moitié de ces missions, mais les services font une belle percée (30 % des missions) ainsi que le monde du retail (20 %). Le secteur bancaire et le marché public restent à la marge.
Quelles sont les fonctions les plus concernées par cette formule ?
Finance, RH et systèmes d’information
Les trois fonctions le plus souvent proposées aux managers de transition sont la finance, les ressources humaines et les systèmes d’information. À elles seules, elles représentent 60 % des missions. On les retrouve également dans la supply-chain et dans la logistique. Quant aux DG de transition, ils ne représentent que 10 % du total.
À titre d’exemple, nous avons fait démarrer un DRH de transition pour une entreprise de l’industrie pharmaceutique qui renforçait son activité dans les biotechnologies. Dans une logique de remplacement, nous avons également trouvé un DAF adjoint au pied levé pour une entreprise qui venait de promouvoir son DAF, ce qui lui a laissé du temps pour recruter un nouveau directeur.
Il y a moins de missions dans la communication, le marketing et le commercial car, en général, ces fonctions sont conservées en interne. Ou alors, s’agissant de la communication, l’entreprise peut faire appel à un cabinet spécialisé dans la communication de crise.
Quel est le niveau de salaire perçu par les managers de transition ?
Les rémunérations répondent à la logique de l’offre et de la demande. C’est le cas notamment dans les métiers de la finance et du digital. D’une manière générale, les missions de transition sont facturées au client 30 à 40 % de plus que les fonctions identiques exercées en CDI, une quote-part revenant à l’EMT (entreprise de management de transition) qui opère la mission avec le manager. Le recours au management de transition permet, en contrepartie, d’avoir la garantie d’une prise en main opérationnelle immédiate et d’une grande flexibilité.
Comment votre cabinet sélectionne-t-il les candidats pour vos clients ?
Nous accompagnons de bout en bout nos clients. Ils choisissent un candidat parmi les dossiers que nous avons sélectionnés et nous organisons la rencontre. C’est un choix très délicat que doit opérer le client car il va accorder sa confiance à un professionnel extérieur à son organisation pour réaliser une mission sensible de redressement, de fusion, de développement, etc. Pour cela, il travaillera sur des données souvent confidentielles de l’entreprise.
La sélection du manager de transition est une étape cruciale car le succès de la mission dépend de la bonne alchimie entre le manager et le dirigeant qui fait appel à lui.