Stratégie

« DRH pour moi ? C’est d’abord une histoire de famille… » (Guillaume Da Cunha, Disneyland Paris)

Par Sylvie Aghabachian | Le | Métier rh

Il a rejoint Disneyland Paris en 2015 après une carrière dans l’industrie. Il est la tête d’une structure RH de 460 collaborateurs entièrement internalisée. Les 100 ans de la Walt Disney Company et les 30 ans de Disneyland Paris sont l’occasion pour Guillaume Da Cunha, Vice-president HR de Disneyland Paris de redessiner la vision RH et ses priorités pour 2024.

Guillaume Da Cunha, Vice-president HR de Disneyland Paris - © D.R.
Guillaume Da Cunha, Vice-president HR de Disneyland Paris - © D.R.

Quand on est sur les bancs de l’Université Paris 13 en Master Droit du travail est-ce que l’on s’imagine DRH ?

Oui, en plus ma mère était RRH au Groupement postal. C’est une histoire de famille, j’ai eu la chance dès l’âge de 16 ans, d’effectuer un CDD de deux mois pendant la période estivale, dans un bureau d’un Groupement postal dédié à la distribution de tri de publicités. C’est là qu’a démarré ma première vocation autour des RH. Ma mère m’a dit aussi que pour réussir en RH, il faut articuler à la fois un parcours en RH mais aussi en droit du travail. C’est la raison pour laquelle j’ai fait le choix de préparer d’abord un Master 2 en droit du travail avec une option appliquée aux relations sociales que j’ai complété avec un équivalent MBA en RH dans une école de commerce.

Ce double cursus a été aussi un élément clé dans ma réussite. J’ai eu aussi la chance, dès ma quatrième année d’études, d’avoir des expériences en alternance et de stages de longue durée tout en étant en CDI étudiant le week-end chez Decathlon en tant que conseiller technique pendant 6 ans. C’est aussi une expérience unique pour comprendre l’entreprise même si ça demande beaucoup d’effort et de dévouement.

Quelles sont les spécificités du poste de DRH chez Disneyland Paris en comparaison de vos expériences passées chez Safran, Xerox et Air France  ?

C’est une expérience en rupture avec celle que j’ai connue par le passé mais sur laquelle mon expérience passée est suffisamment riche pour que j’en tire des fondations. Disneyland Paris comprend environ 7 secteurs d’activité. Quand vous êtes dans l’aéronautique vous faites de l’industrie. Quand vous êtes chez Xeroxvous faites de la technologie et de la solution du B to B. Quand comme vous êtes chez Air France, vous faites du transport et du fret. Mais quand vous êtes chez Disneyland Paris, vous avez 3 000 personnes qui travaillent dans la restauration, 2 000 dans l’hôtellerie, 2 000 sur les services techniques et infrastructures, 2 500 personnes dans le spectacle. Vous avez plusieurs entreprises dans l’entreprise et c’est quelque chose de très spécial, rare et complexe. Vous devez marier des environnements qui sont très différents les uns des autres et faire cohabiter tous ces écosystèmes avec un particularisme supplémentaire : ces entreprises dans l’entreprise cohabitent sur le même lieu. Nous sommes mono-site et c’est une vraie particularité.

Plus de 120 nationalités, plus de 24 langues parlées, plus de 600 métiers

Il faut savoir différencier et personnaliser les approches avec des Cast Members qui cohabitent ensemble dans le même lieu de vie, se regardent, se comparent. C’est une complexité que je ne connaissais pas. Mais ma chance est d’avoir travaillé dans trois secteurs d’activité très différents les uns des autres, et cela m’a permis de mieux comprendre les spécificités et la nature de Disneyland Paris. Nous avons plus de 120 nationalités, plus de 24 langues parlées, plus de 600 métiers, une combinaison de contrats qu’on ne retrouve pas ailleurs : CDI, contrats saisonniers, CDD, intermittents, intérimaires. C’est une expérience enrichissante et unique. Mes expériences passées dans des secteurs d’activités différents ont créé les conditions de mon succès à Disneyland Paris.

Disneyland Paris - © D.R.
Disneyland Paris - © D.R.

A quelles expériences concrètes pensez-vous ?

J’ai rejoint Disneyland Paris en octobre 2015 et j’ai eu de la chance, entre 2015 et l’été 2019 avant d’accéder au poste de VP, de connaître à la fois les environnements service support mais aussi opérations de Disneyland Paris. En quelques années, j’ai pu balayer toute la structure RH de l’entreprise. Ce qui a intéressé Disneyland Paris et le groupe Walt Disney Company dans mon parcours, c’est d’avoir connu des environnements très variés qu’on retrouve à Disneyland Paris. Dans les métiers de l’industrie aéronautique, il y a des métiers autour de l’usinage, du fraisage, du taillage, des procédés spéciaux et à Disneyland Paris, nous avons une grosse structure 2 500 personnes qui travaillent dans les services techniques.

Travailler dans l’aéronautique c’est aussi être au cœur des préoccupations comme l’environnement et la sécurité. Et à Disneyland Paris, c’est très important, car nous avons accueilli plus de 375 millions visiteurs depuis 1992 et des risques professionnels existent dans l’entreprise.

Accompagner la transformation depuis 2017

Mon expérience chez Xerox, qui est très avancée sur l’aspect commercial B to B et B to C, était aussi très intéressante car, il ne faut pas minimiser les activités commerciales de Disneyland Paris. Nous rayonnons sur l’ensemble de l’Europe donc mon expérience marketing et commerciale de Xerox était aussi très intéressante pour eux dans mon parcours.

Au-delà, j’ai mené de nombreux projets de transformation, tant pour les activités de sous-traitance de Safran que chez Xerox, des projets autour de la technologie et du digital, de la refonte des processus autour de la transformation du modèle. Ces expériences intéressaient le groupe Walt Disney Company pour accompagner la transformation qu’on connaît depuis 2017.

Comment s’est mise en place la transformation ?

Entre l’été 2019 et aujourd’hui, par exemple, 40 % de ma division RH a changé soit de job, soit de leader, soit d’allocation géographique d’activité. S’il y a une telle intensité de transformation dans la division RH, c’est parce que l’entreprise se transforme pour diverses raisons : transformer ou faire évoluer son produit, la nature de ses activités pour continuer à s’adapter aux attentes du marché du consommateur ou du visiteur mais aussi parce que l’écosystème dans lequel on vit est impacté par du contexte sociétal, social, économique, financier à l’échelle nationale européenne et internationale. Pour qu’une entreprise puisse évoluer et réussir, il faut aussi que la division RH évolue aussi constamment.

Depuis 2019, 6 systèmes d’information RH

Une autre illustration du changement profond : depuis 2019, nous avons changé six systèmes d’information des ressources humaines. Je reste persuadé que c’est un élément prépondérant dans la réussite d’une division RH pour qu’elle se transforme dans son modèle de compétences, dans sa plateforme technologique et digitale et dans la façon dont on simplifie les processus opérationnels RH afin qu’ils soient les plus accessibles, personnalisés et simples pour nos salariés.

Cette année, Disneyland Paris fête ses 30 ans et le 16 octobre Walt Disney Company a fêté ses 100 ans. Comment la fonction RH célèbre-t-elle ces anniversaires ?

Redessiner notre vision RH et nos priorités pour 2024 et au-delà

C’est important de célébrer ce moment avec nos Cast Members et avec nos visiteurs. Ce sont des moments importants en termes de culture, d’adhésion, de sentiment d’appartenance. C’est pourquoi une multitude d’événements se produiront jusqu’à la fin de l’année 2023. Le 25 janvier 2024, nous rouvrons le Disneyland Hôtel et c’est l’occasion d’embarquer nos Cast Members pour leur diffuser nos 100 ans d’histoire. Du 12 au 14 octobre derniers, nous avons organisé une expérience immersive du Disneyland Hotel pour eux. Le 19 octobre, nous avons privatisé le Walt Disneystudios pour célébrer une soirée de clôture des 30 ans de l’anniversaire de Disneyland Paris. Et les 15 et 16 novembre, lors de nos Services Awards, 2 500 Cast Members fêteront leur ancienneté dans l’entreprise. En décembre, nous organisons une projection privée du film de Noël et nous ferons vivre l’expérience du parc à nos Cast Members en le privatisant pour eux et leur famille.

 Disneyland Paris - © Photo : Jean-Claude Coutausse pour DISNEY
Disneyland Paris - © Photo : Jean-Claude Coutausse pour DISNEY

Les 100 ans de la Walt Disney Company et les 30 ans de Disneyland Paris ont été aussi l’occasion, pour nous, de redessiner notre vision RH et nos priorités pour 2024 et au-delà. Elle est structurée autour de 6 domaines :

  • Prendre soin de nos Cast Members (le Cast Care) ;
  • Inspirer chez un Cast Member l’optimisme sur la performance, la trajectoire de l’entreprise ;
  • Accompagner et renforcer le leadership ;
  • Accentuer le sentiment d’appartenance ;
  • Accompagner le succès et la performance du business ;
  • Anticiper et faire évoluer les parcours professionnels.

Comment avez-vous vécu les mouvements sociaux de mai et juin dernier ?

C’est toujours un moment difficile de voir ses Cast Members exprimer un mécontentement, une déception, des attentes d’autant plus que nous avions œuvré pour les mettre au centre de nos préoccupations. Même si moins de 4 % de la population était en grève, c’est toujours trop à nos yeux. Nous avons mis en place beaucoup d’occupations sur le terrain, organisé des tables rondes, des échanges avec nos organisations syndicales et les Cast Members opérationnels en juin et juillet.

Nous avons organisé aussi des forums leaders avec un plus de 1 000 leaders pour essayer de mieux comprendre et mieux écouter nos leaders et nos Cast Members pour bien comprendre l’origine de cette expression collective. La communication et le fait d’avoir avancé nos NAO en prenant en compte des demandes, ont été les clefs du succès qui font que nous avons aujourd’hui une relation très apaisée. La satisfaction atteint des niveaux records que nous n’avions jamais connus même avant la Covid.

Vous avez articulé vos NAO 2024 autour de quatre enjeux RH : le pouvoir d’achat ; la reconnaissance ; la retraite et l’équilibre des temps de vie. Est-ce qu’un DRH doit mettre ces sujets sur la table des négociations ?

Bien évidemment, si l’on veut trouver les conditions d’un apaisement social et contrôler le risque de conflit, il faut trouver le bon niveau d’engagement. Pour une grande partie des entreprises en France, les NAO ne peuvent pas être qu’un sujet de pouvoir d’achat par rapport à une situation d’inflation. Cela doit être un sujet de bien-être au travail, d’équilibre vie professionnelle et personnelle, de reconnaissance et de pouvoir d’achat.  Ce sont ces enjeux qui créeront les conditions d’une stabilité pour une entreprise en 2024 et en 2025.

 

Concepts clés et définitions : #NAO Définition : l'essentiel à savoir