Emploi des personnes en situation de handicap : vers un changement de paradigme dès 2024
Par Sylvie Aghabachian | Le | Relations sociales
La Semaine européenne pour l’emploi des personnes en situation de handicap se déroule du 20 au 26 novembre 2023 sur le thème de « La transition numérique : un accélérateur pour l’emploi des personnes en situation de handicap ? ». Elle vise à promouvoir l’inclusion professionnelle des personnes en situation de handicap et à sensibiliser les employeurs à leurs compétences. Focus sur les nouvelles mesures qui seront mises place dès 2024.
Faire en sorte que l’accès à l’emploi et à la formation pour les personnes en situation de handicap soient des droits communs ; considérer un demandeur d’emploi en situation de handicap, d’abord comme un demandeur d’emploi : les objectifs du Gouvernement en matière d’accès et de maintien dans l’emploi sont clairs : un changement de paradigme. Faire de l’orientation en milieu ordinaire un droit sera l’un des chantiers 2024 d’Olivier Dussopt, le ministre du Travail, du Plein Emploi et de l’Insertion. La reprise d’une activité professionnelle vers le milieu ordinaire sera facilitée par la réforme des conditions de cumul de l’allocation adulte handicapé et des revenus tirés d’une activité professionnelle exercée au-delà d’un mi-temps.
Les travailleurs en Esat doivent avoir les mêmes droits sociaux que les autres salariés.
Un Esat (établissement et service d’aide par le travail) est une structure qui permet aux personnes en situation de handicap d’exercer une activité professionnelle tout en bénéficiant d’un soutien médico-social et éducatif dans un milieu protégé. Lors du lancement de la 27ᵉ édition de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes en situation de handicap, le ministre du Travail a déclaré que « les travailleurs en Esat (NDLR : 120 000) doivent avoir les mêmes droits sociaux que les autres salariés. En revanche, l’interdiction de licencier ces personnes qui travaillent en milieu protégé sera maintenue. »
Toute la mécanique des travailleurs en situation de handicap va évoluer progressivement : à partir de juillet 2024 en expérimentation et en 2025 dans la généralisation. « Il y aura bien évidemment des aides et des aménagements. Nous avons fait en sorte que dans les CFA, le niveau de prise en charge des coûts de formation par l’État via France Compétences soit majoré pour les apprentis en situation de handicap. Le résultat est que le nombre de personnes en situation de handicap en apprentissage a été multiplié par 2,5 ». Pour le ministre, les travailleurs en situation de handicap doivent être reconnus et bénéficier des mêmes droits : le droit à la représentation syndicale, le droit de faire grève, la prise en charge de la prime de transport, le droit au bénéfice d’une complémentaire santé.
Nouveau cap pour les quatre prochaines années
La conférence nationale du handicap (CNH) qui s’est tenue le 26 avril dernier sous l’autorité d’Emmanuel Macron, le président de la République a donné un nouveau cap pour les quatre prochaines années avec 17 engagements. Huit vont être tenus par des décrets ou arrêtés comme la création d’un sac à dos numérique intégré au Passeport Prévention et neuf sont inscrits dans la loi Plein Emploi. La totalité des 17 mesures seront applicables dès le 1er janvier 2024.
Les nouvelles mesures en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap
• Suppression de l’orientation vers le marché du travail par les MDPH ;
• Information systématique par les MDPH à Pôle Emploi/Cap Emploi des délivrances de RQTH ;
• Création d’un appui renforcé à la définition du projet professionnel par Pôle Emploi ;
• Développement de « l’emploi accompagné » ;
• Développer l’apprentissage pour des adultes en reconversion ;
• Permettre aux apprenants ayant besoin d’un aménagement technique d’avoir un prêt d’équipement ;
• Permettre à tous les organismes de formation « ordinaires » d’accueillir un apprenant handicapé, quel que soit son handicap ;
• Créer un sac à dos numérique des aménagements, intégré au futur Passeport de compétences.
• Rendre la reprise d’un emploi incitative financièrement ;
• Donner la possibilité d’une portabilité des équipements ;
• Améliorer les droits des personnes reconnues handicapées avec un titre d’incapacité ou d’invalidité ;
• Faire évoluer les conditions de travail des personnes handicapées en ESAT ;
• Les entreprises adaptées de travail temporaire et les CDD tremplin sont pérennisés ;
• Réformer la législation sur les ECAP ;
• Favoriser la mise en relation entre demandeurs d’emploi et employeurs engagés ;
• Développement du baromètre emploi et handicap ;
• La fonction de référent handicap en entreprise est légitimée
Les nouvelles mesures en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap inscrites dans la loi pour le Plein emploi, adoptée à l’Assemblée nationale en octobre 2023, prévoit en plus de ces nouveaux droits : la possibilité offerte aux travailleurs handicapés de rejoindre les effectifs d’une entreprise du secteur privé tout en ayant la garantie de pouvoir revenir en établissement spécialisé s’ils le souhaitent. Ces droits s’étendront aux 120 000 travailleurs handicapés qui pourront en bénéficier, après publication des décrets.
6 % d’emploi des personnes handicapées y compris dans l’apprentissage
Pour Emmanuel Macron, les entreprises doivent atteindre l’objectif de 6 % d’emploi des personnes handicapées y compris dans le domaine de l’apprentissage. Pour faciliter cela, le Gouvernement souhaite simplifier la reconnaissance comme travailleur handicapé. À l’heure actuelle, certaines catégories d’emploi sont exonérées de l’obligation d’emploi de personnes handicapées. Il envisage de revisiter, avec les partenaires sociaux, la liste d’exonérations qui est trop restrictive et datée. Les personnes titulaires d’une pension d’invalidité ou d’une rente d’incapacité par exemple, percevront automatiquement les droits liés à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé sans passer par la MDPH (Maison départementale pour les personnes handicapées).
Accueil des personnes handicapées par les organismes de formation
Accéder au plein emploi, c’est aussi pouvoir se former sans faire des kilomètres pour rejoindre une structure. Les centres de formation doivent être capables d’accueillir des personnes handicapées quel que soit leur handicap, avec les bons moyens techniques, humains, pratiques. Pour financer cela, il y aura une majoration tarifaire pour les organismes de formation qui sera mise en place et organisée avec les Conseils régionaux et Pôle emploi. Pour encourager la reconversion professionnelle par l’apprentissage, « la rémunération des apprentis adultes sera revalorisée pour les personnes en situation de handicap ».
France Travail : la porte d’entrée des personnes handicapées
L’arrivée de France Travail sera aussi un cap car l’objectif est de faire en sorte que l’environnement professionnel de droit commun s’adapte aux personnes en situation de handicap, quel que soit leur handicap. Les professionnels de France Travail, appuyés en cas de besoin par des experts de la sphère médico-sociale, seront désormais la porte d’entrée des personnes handicapées et les aideront à élaborer leur projet professionnel, et à déterminer l’environnement dont elles ont besoin (organisations privées ou publiques, entreprises avec emploi accompagné, entreprises adaptées), plutôt que de les assigner par défaut à un milieu professionnel protégé qu’elles n’auraient pas choisi. « Il n’est pas admissible que [les personnes des Esat] soient rémunérées à 60 % du Smic, alors qu’elles exercent un temps plein. nous devons travailler pour faire en sorte que ces personnes soient pleinement rémunérées de leur travail », avait dit Emmanuel Macron en avril dernier. De leur côté, les Esat,attendent beaucoup des expérimentations qui auront lieu à partir de 2024, pour voir concrètement comment cela va se déclinera de manière opérationnelle. Avec un risque latent pour Axelle Pruvot, directrice exécutive d’Andicat (Association Nationale des Directeurs et Cadres d’ESAT) : « faire sortir vers le milieu ordinaire, ne va-t-il pas entraîner un phénomène négatif de sélection, que personne n’appelle, mais qui sera peut-être présent ? C’est-à-dire, aller chercheur des travailleurs qui soient plus simple à gérer et aient des profils plus rentables au détriment d’autres plus complexes qui, pour autant, ont aussi le droit d’avoir une activité professionnelle et doivent être accompagnés. »