Emploi des seniors : le grand défi RH des entreprises

Un âge légal de départ à la retraite relevé à 64 ans, une hausse du seuil d’âge à 57 ans pour une durée d’indemnisation plus longue au chômage, la création d’un index seniors…les ambitions gouvernementales vont faire bouger les lignes sur les plus de 50 ans dans les entreprises. Les attentes sont fortes du côté de l’exécutif qui souhaite les impliquer.

• « Nous allons tout faire pour améliorer le taux d’emploi des seniors avec la mise en place d’une nouvelle mesure : le bonus emploi senior.
• Il permettra à des seniors qui reprennent un emploi moins bien rémunéré que leur activité précédente de conserver une part de leur allocation chômage. Cela leur permettra d’améliorer leur rémunération pendant un an  », a déclaré Gabriel Attal, le Premier ministre, lors des questions d’actualité au Gouvernement à l’Assemblée nationale, le 29 mai dernier.

Durée d’indemnisation chômage : un seuil à 57 ans

Comme les partenaires sociaux n’ont pas trouvé d’accord sur l’emploi des seniors, le Gouvernement a décidé de prendre la main : les seuils d’âge de la filière senior vont être revues.

• Aujourd’hui, une inscription à France Travail à 53 ou 54 ans permet de bénéficier de 22,5 mois d’indemnisation chômage maximum (contre 18 mois avant 53 ans). A 55 ans et plus, la durée d’indemnisation est de 27 mois.
• La réforme de l’assurance chômage, attendue dans le courant de l’automne 2024, ne prévoit plus qu’un seul seuil à 57 ans. Pour les moins de 57 ans, la durée d’indemnisation passera de 18 à 15 mois, le régime de droit commun. Pour compenser, il y aura le bonus emploi senior.

Cette réforme est critiquée par l’unanimité des syndicats.

• « Les seniors vont massivement être renvoyés au RSA », considère la CFTC du côté des syndicats des travailleurs.
• Côté patronat, la CPME regrette « qu’aucune mesure incitative à l’embauche d’un senior n’ait été prévue pour les entreprises ».

La proposition des partenaires sociaux de créer un « CDI senior » dans le cadre de « l’acte 2 de la réforme du travail » sera quand même étudiée.

136 organisations signataires de la charte d’engagement 50+

En attendant, les entreprises s’activent. Le 29 mai le Club Landoy (groupe Bayard) et Groupe L’Oréal ont annoncé le large dépassement du seuil symbolique des 100 entreprises et organisations signataires de la Charte 50+ qu’ils ont co-initié en faveur de l’emploi des plus de 50 ans.

Avec 136 entreprises signataires, le collectif d’entreprises engagées dans l’emploi des seniors se mobilise autour de dix engagements concernant :

• le recrutement ;
• la formation ;
• le maintien dans l’emploi et l’accompagnement des évolutions de carrière ;
• la santé et le bien-être au travail ;
• l’aidance ;
• le départ à la retraite ;
• la sensibilisation aux stéréotypes liés à l’âge.

Richesse de l’intergénérationnel

La Charte 50+ est déjà à l’origine de 165 actions concrètes en faveur du maintien dans l’emploi des plus de 50 ans. L’enjeu premier est un partage de bonnes pratiques.

« Ce succès ne doit cependant pas nous faire perdre de vue les progrès qu’il reste à accomplir : les indicateurs chiffrés révèlent une discrimination persistante envers les salariés les plus âgés au sein de l’entreprise et la nécessité de mieux gérer l’allongement des carrières. Le défi est immense », indique Sibylle Le Maire, Directrice exécutive du groupe Bayard et fondatrice du Club Landoy.

Pour Hervé Navellou, Président de L’Oréal France, « les entreprises ont tout intérêt à assumer le rôle qui leur revient dans la révolution démographique, en accompagnant leurs collaborateurs depuis leur entrée dans l’entreprise jusqu’à la retraite. L’intergénérationnel est en effet une richesse et participe à la performance de l’entreprise. »

Par exemple, le programme « L’Oréal for All Generations » place les dimensions d’intergénération et d’employabilité au cœur des objectifs de l’entreprise avec des actions concrètes :

• la valorisation des parcours à tous les âges,
• des dispositifs de santé et de bien-être au travail,
• le développement de l’employabilité tout au long de la carrière avec, notamment, de la formation et une facilitation de la transition vers la retraite.

Chez AXA, le programme pour valoriser les 50+ ans en entreprise s’appelle « l’Audace n’a pas d’âge ». Il a été récompensé d’un Argus d’Or en 2024, et du Grand Prix de la Diversité et Inclusion et Décideurs RH en 2023.

Il propose un accompagnement des collaboratrices et collaborateurs de plus de 50 ans et le déploiement d’une campagne de sensibilisation destinée au grand public avec une série de huit podcasts, afin d’accélérer la prise de conscience des stéréotypes liés l’âge.

Risque d’exclusion du marché du travail

Le Club Landoy a réalisé une étude quantitative sur les pratiques de 27 entreprises signataires de la charte (représentant 567 000 salariés) en matière d’emploi des plus de 50 ans.

Les résultats indiquent une sous-représentation des seniors dans la formation, la mobilité et le recrutement des entreprises concernées et illustrent le risque d’exclusion du marché du travail pour les personnes qui sortent du marché à 50 ans et +.

L’indicateur recrutement affiche en effet le taux le plus faible, avec seulement 11 % des embauches.

• « Comparativement, l’accès à la mobilité (22 %) et à la formation (28 %) sont moins difficiles pour les seniors, même s’ils restent sous-représentés par rapport à leur poids dans la population active (32 %) ;
• Le faible taux de recrutement constitue un défi pour les entreprises, qui sont aussi soumises à la nécessité et à l’urgence de repenser la formation des plus de 50 ans », indique Sibylle Le Maire.