Safran, Schneider Electric et Thales transfèrent des compétences aux start-ups deeptech (Bpifrance)
Par Valerie Grasset-Morel | Le | Métier rh
« Mercato » est un programme de transfert de compétences au service des start-ups deeptech, développant des technologies de pointe et de rupture, lancé par Bpifrance et France Industrie le 13 décembre 2023. Des salariés de grands groupes industriels se mettent aux services de jeunes pousses, le temps d’une mission. Quatre placements de long terme au sein de start-ups ont déjà été réalisés par Safran, Schneider Electric et Thales.
Pascale Ribon, directrice de DeepTech au sein de Bpifrance répond aux questions de Republik RH
Quelle est la genèse du programme Mercato ?
Cela fait presque trois ans que nous travaillons sur ce programme que nous avons ouvert sur la plateforme lesdeeptech.fr. Nous avions identifié le besoin de faire venir au sein des start-ups des compétences business ou industrielles venant d’entreprises confirmées sur leur marché pour les aider à grossir. C’est ainsi que nous avons commencé à travailler avec France Industrie sur ce sujet, réfléchi à ce qui pouvait intéresser à la fois les start-ups et les grands groupes.
Renforcer les liens entre les grands groupes et les start-ups
Cette réflexion, nous l’avons menée en étroite collaboration avec la Direction générale des entreprises du ministère de l’Économie qui est très intéressée sur le fait de renforcer les liens entre les grands groupes et les start-ups sur le sujet des technologies de rupture. En effet, les start-ups deeptech sont souvent créées par des scientifiques qui ne connaissent pas les pratiques des grandes entreprises, ce qui réduit les possibilités de collaboration. D’autre part, la taille restreinte de leurs équipes comme leur manque de ressources en industrialisation réduisent la capacité des start-ups à s’engager dans des partenariats. C’est ainsi que nous sommes parvenus à l’ouverture du service « Mercato ».
Le plan Deeptech (Bpifrance)
• Ce dispositif s’inscrit au cœur du Plan Deeptech déployé par Bpifrance qui vise la création annuelle de 500 start-ups deeptech et 50 sites industriels d’ici 2030.
• En 2022, 17 usines ont déjà été construites par des entreprises deeptech, marquant la première étape vers cet objectif alors que 44 % des 1 900 start-ups industrielles en France sont classifiées comme deeptech.
• À terme, l’ambition du service Mercato serait qu’au moins 50 % du flux de start-ups deeptech en pré-industrialisation puissent bénéficier du dispositif.
En quoi consiste le service Mercato ?
Compétences en industrialisation et business développement
Il permet aux équipes fondatrices des start-ups deeptech, très largement scientifiques, de bénéficier de compétences complémentaires apportées notamment en industrialisation et business développement pour des durées allant de quelques jours à quelques mois et pour un maximum de deux ans. Le dispositif permet le placement ponctuel de professionnels reconnus sur une grande variété de thématiques : conception de lignes de production, expertise réglementaire pour pénétrer un marché, financement, commercialisation, ressources humaines, etc. Nous souhaitons que ces profils permettent de lancer un projet et d’enclencher la machine pour que les start-ups passent à l’étape suivante.
Le dispositif s’appuie sur la loi sur le prêt de main-d’œuvre qui permet aux collaborateurs de grands groupes (de plus de 5 000 collaborateurs) d’être mis à disposition pour une durée variant de une à deux semaines, jusqu’à six à 12 mois. À l’expiration du prêt, les salariés ont la garantie de retrouver leur poste d’origine, aux mêmes conditions qu’à leur départ. La start-up et l’entreprise peuvent s’accorder sur un partage de la prise en charge du salaire qui ne peut pas être modifié.
Il est possible aussi que le salarié mis à disposition soit recruté par la start-up à la fin de sa mission. Cela peut s’inscrire dans une stratégie de rapprochement du grand groupe avec les start-ups de son écosystème de développement.
Une convention tripartite
Le placement du salarié dans la start-up nécessite la signature d’une convention tripartite entre le groupe employeur, son collaborateur qu’il met à disposition et la start-up qui l’accueille pour effectuer sa mission. Le groupe doit informer son CSE de la mise en œuvre de ce dispositif.
Qu’est-ce qui distingue ce dispositif du mécénat de compétences ?
C’est la possibilité pour le grand groupe et la start-up de négocier le partage du salaire du collaborateur mis à disposition. On observe parfois des partages à 50/50 entre les deux. Cette répartition est avantageuse pour la start-up qui accueille ainsi un « gros salaire » qu’elle n’aurait pas les moyens de recruter.
Combien d’entreprises et quels types d’entreprises participent à ce dispositif ?
Cinq groupes « actifs » ont entamé une démarche active de transfert de compétences, notamment Safran, Thalès et Schneider Electric, sur une dizaine impliqués dans le dispositif. Quatre placements de long terme ont déjà été réalisés, trois sont en cours et un a déjà rejoint une start-up. Les quatre placements réalisés sont les suivants :
- Safran : un ingénieur de production mis à disposition de Turbotech (fabrication de composants pour l’industrie aéronautique et aérospatiale) qui souhaitait un appui en ingénierie de production. La durée de la mission est d’un an. Le salarié reprendra son poste à la fin du placement.
- Schneider Electric : un CRO (Chief revenue office) & Partnership director est en cours de mission pour une année au sein de DiamFab (la technologie du diamant synthétique dans le secteur des semi-conducteurs), une start-up issue des recherches du CNRS qui recherchait un appui business. Le groupe a également placé un responsable industrialisation chez Caeli (spécialiste air comprimé, azote, vide, air respirable) qui souhaitait un appui industrialisation. La mission de ce salarié, d’une durée de deux ans, s’est achevée par son recrutement par la start-up.
- Thales : le groupe a mis a disposition un de ses salariés qui accompagne le président de Flying Wales (ballons dirigeables destinés aux transports de charges lourdes) qui recherchait un appui pour développer des partenariats et des actions de lobbying. Cette mission de six mois est en cours de réalisation.
Une quinzaine de start-ups se sont impliquées dans le dispositif et ont ouvert une vingtaine de missions.
Comment fonctionne la plate-forme d’intermédiation ?
Les start-ups peuvent déposer des propositions de missions sur la page « Mercato » de la plateforme lesdeeptech.fr qui sont visibles par les salariés des grands groupes. Ceux-ci peuvent ensuite se rapprocher de leur RH - nous parions sur le désir des individus -, pour exprimer leur souhait de participer à tel projet.
Ensuite, il faut convaincre l’entreprise de détacher tel ou tel salarié, de le remplacer en interne, de partager le salaire avec la start-up, etc. Il faut que cette mise à disposition soit compatible avec sa stratégie RH et son organisation. Notre enjeu est de travailler avec les RH des grandes entreprises pour développer le flux.
Concepts clés et définitions : #Comité social et économique