Japon : l’OCDE préconise l’abolition de la retraite obligatoire dans les entreprises
Par Agnès Redon | Le | International
Pour que le Japon puisse garantir le nombre de travailleurs dont le pays a besoin dans un contexte de déclin démographique, l’abolition de la retraite obligatoire dans les entreprises sera essentielle. C’est l’un des enseignements du rapport économique de l’OCDE publié le 11 janvier 2024.
Les enseignements du rapport
Les enseignements du rapport de l’OCDE sont notamment les suivants :
- La main-d’œuvre japonaise compte 66 millions de personnes en 2023, dont les ressortissants étrangers ;
- Ce chiffre diminuera de moitié et atteindra 32 millions de personnes en 2100, si le taux de fécondité du Japon reste au niveau actuel de 1,3 ;
- Des réformes visant à accroître l’emploi des seniors, des femmes et des ressortissants étrangers, ainsi que l’abolition du régime de retraite obligatoire pourraient porter le nombre de travailleurs à 41 millions, précise le rapport de l’OCDE. En effet, « les politiques visant à soutenir les familles et les enfants, notamment en améliorant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, pourraient contribuer à inverser la baisse du taux de fécondité », indique le rapport ;
- Ce chiffre pourrait atteindre 52 millions si le Japon atteint son objectif de taux de fécondité de 1,8.
Le travail des seniors contre la pénurie de main-d’œuvre
Si l’abolition du régime de retraite obligatoire dans les entreprises peut avoir des effets positifs sur le nombre d’actifs dans le pays, c’est aussi un moyen de contrer la pénurie de main-d’œuvre.
En effet, le Japon perd, du fait du déclin démographique, plus de 800 000 habitants par an, ce qui engendre une pénurie de main-d’œuvre de plus en plus forte dans le pays et des difficultés de recrutement. Ainsi, en 2022, 1,27 poste était ouverts pour chaque demandeur d’emploi au Japon, un ratio qui augmente chaque année. Recruit Works Institute, un institut de recherche japonais prévoit même que le Japon pourrait faire face à une pénurie de plus de 10 millions de travailleurs en 2040, lorsque les enfants des baby-boomers d’après-guerre auront atteint 65 ans ou plus. Par conséquent, le pays aura besoin de 6.74 millions de travailleurs étrangers en 2040.
Afin de ne pas perdre sa main-d’œuvre qualifiée, à partir d’avril 2024, Sumitomo Chemical, un des principaux groupes chimiques japonais, augmentera progressivement l’âge de la retraite à 65 ans contre 60 ans actuellement. En effet, selon les estimations du groupe nippon, à l’heure actuelle, 3 % des salariés de Sumitomo Chemical ont 60 ans et plus et leur part devrait atteindre 17 % d’ici une décennie.
Cette nouvelle mesure s’appliquera aux salariés dans tous les secteurs de l’entreprise et le salaire annuel restera au même niveau qu’avant l’âge de 60 ans.
Auparavant, Sumitomo Chemical permettait aux personnes de 60 ans et plus de postuler à nouveau pour leur emploi, mais pour 40 à 50 % de ce qu’elles gagnaient avant cet âge.
La tradition du régime de retraite obligatoire
Parmi les 38 membres de l’OCDE, le Japon et la Corée du Sud sont les seuls pays à autoriser les entreprises à fixer l’âge obligatoire de la retraite à 60 ans. La retraite obligatoire a permis aux entreprises japonaises d’ouvrir la voie aux jeunes travailleurs à l’époque où l’emploi à vie était une tradition. Bien que de plus en plus d’entreprises se tournent vers une approche de l’emploi basée sur les performances des salariés, la retraite obligatoire est encore une norme au Japon.
En effet, une étude réalisée en 2022 par le ministère de la Santé, du Travail et de la Protection sociale a révélé que 94 % des entreprises japonaises avaient un âge de retraite obligatoire. Parmi elles, environ 70 % ont fixé le seuil officiel à 60 ans.